De l'enfance à l'âge adulte, l'individu change. Il évolue, il est transformé et par son entourage, et par les épreuves lancées en son chemin par la vie elle même ... Ou parfois, la mort.

Il a vécu aux Caraïbes pendant dix années, lui, sa mère, son père et son petit frère, Rafaël, agé de trois années de moins que lui. Son père reçut alors une mutation ... Mutation qui les envoya à Miami, aux États-Unis. Ils vécurent. Heureux, ne manquant de rien ... Une vie typique de famille hispano-américaine, avec une mère au foyer dite "parfaite" ... Yeux verts, cheveux bruns, taille de guêpe ... Et un père homme d'affaires au physique ténébreux, mystérieux et lointain ... Exotique. Voilà le mot qui caractérisait le mieux les frères Hidalgo : possédant la beauté des îles, ils ont toujours fait des ravages, collectionnant coeur après coeur, lançant flèches de Cupidon à gauche et à droite, flatteurs et charmeurs nés. Ils eurent une enfance heureuse ... Et une adolescence aussi, d'ailleurs. Vivant dans leur belle maison près de la plage, des amis au collège, des planches de surf sous le bras, jamais Erasmo (préférant ce prénom qu'il jugeait plus original et romantique) et Rafaël n'avaient manqué de rien.

Peu de temps après leur arrivée, ils firent connaissance avec leurs voisins ... Notamment, avec la famille Andrews. Très amies, les deux madames passaient leurs journées à discuter, s'appeller et se rendre des services ; c'est d'ailleurs ainsi que lorsque les Andrews adoptèrent une petite fille, la mère Hidalgo leur offrit de s'occuper d'elle lorsqu'ils seraient de sortie. On pouvait ainsi dire que les dimanches soirs chez les Hidalgo étaient conviviaux, malgré l'absence du père, qui, lui, "travaillait" (ou parfois, se détendait entre les bras d'une maîtresse). Erasmo ayant été le plus âgé des trois avait pour devoir de divertir les autres. Jeux, histoires et conversations animaient leurs soirées pendant une année entière ... Avant qu'Erasmo ne s'éloigne de leurs soirées passées en famille, préférant de loin ses amis à sa "famille". Qui ne préfèrerait pas les personnes du même âge qu'eux ? Certainement pas Erasmo.

Il abandonna ainsi Rafaël et Juliet afin de faire la fête entre autres bêtises, cessant ainsi toute conversation avec sa voisine par la même occasion. Les seules fois qu'ils se voyaient avaient été lorsqu'Erasmo lavait la voiture familiale et la saluait poliment en souvenir du bon vieux temps. Il vivait dans un autre monde à présent, ayant quitté le seul qu'il avait connu jusqu'alors ... Un monde sain et sans danger ... Un monde qui l'ennuyait profondémment. Pendant ce temps, Rafaël et Juliet se rapprochèrent, devenant rapidement de bons amis et terminant par sortir ensemble, tandis qu'Erasmo vivait sa vie. Il y a deux années, Juliet s'était retrouvée dans une mauvaise situation : un garçon dangereux avait souhaité la violer, situation qu'Erasmo vint arranger sans réfléchir plus d'une seconde, considérant Juliet comme une personne de sa famille, ou du moins, une amie proche de celle-ci. Leur relation avait été comme ça depuis qu'il avait commencé à faire sa vie seul : malgré le fait qu'ils ne se voyaient jamais, ils savaient qu'ils pouvaient tous deux compter l'un sur l'autre en situation de crise.

C'est alors que vint l'accident.

Depuis toujours, Rafaël avait été diagnostiqué avec une condition grave qui nuisaient à ses aptitudes physiques. Et pourtant, déterminé, il s'était toujours poussé au delà de ses limites, cherchant à être aussi endurant et rapide que les autres garçons malgré son apparente impossibilité à faire ceci. Ils l'avaient prévenu depuis le berceau. Ils lui avaient dit de faire attention. Ce jour là, encore, lorsqu'Erasmo refusa d'aller se baigner avec lui car il était trop fatigué, il lui avait rappellé de ne pas aller trop loin ... Mais comme d'habitude, Rafaël n'en avait fait qu'à sa tête. Sauf que cette fois-ci, c'était la dernière. N'ayant personne pour l'accompagner il partit trop loin, et sur le chemin du retour se retrouva comme paralysé, incapable d'avancer. Sur la plage, les gens commençaient à s'inquiéter ... Ce n'est que plus tard que les secours furent prévenus. Lorsque finalement les secours arrivèrent, c'était trop tard.

Rafaël était mort.

Et c'était de sa faute.

Il aurait pu l'accompagner. Il aurait dû, simplement pour le surveiller ou rester à ses côtés en cas de problèmes ... Mais il était resté en arrière, et son frère n'avait eu personne vers qui se tourner lorsqu'il était en position de détresse. Il était mort, à 18 ans. (Erasmo, lui, en avait 20, et Juliet, 17).

L'enterrement suivi, avec les habits noirs, les lamentations, les oraisons funèbres, et l'inévitable "Adieu" à Rafaël ... Évènement qui marquerait à tout jamais Erasmo ainsi que sa conception de la réalité. Heureusement pour lui, comme il avait été avec Juliet une année avant cette tragédie, elle l'était à présent : attentive, à l'écoute et empathique ... Elle l'avait vraiment aidé à traverser cette mauvaise impasse, l'ayant écouté et ayant discuté longuement avec lui ... (Qui plus est, elle comprenait sa douleur, ayant perdu en Rafaël un homme qu'elle aimait énormément) Elle lui avait redonné espoir, et lui, avait commencé à le voir sous un autre angle. Il ne voyait plus la gamine de dix ans qu'il avait rencontré le premier jour de son adoption : il voyait la jeune fille qu'elle était devenue. Lors d'une conversation nostalgique et pourtant heureuse entre les deux, un échange de lèvres prit place ... Puis, ils se mirent à découvrir la géographie de l'autre.

Ça ne dura qu'une nuit ou deux, chose après laquelle Erasmo se décida à aller vivre ailleurs, commencer une nouvelle vie. Cherchant activement un emploi, il se prit un appartement en centre ville et essaie tant bien que mal de se remettre sur pied et d'avancer, oubliant la douleur de la perte de son frère. Quand à Juliet ? Il ignore ce qu'elle est devenue, mais sans doute la reverrait-il un jour ... Après tout, c'était comme un membre de sa famille, après toutes ces années ! Et puis ... Miami était une petite ville.

PS : Il n'a pas continué ses études après la terminale parce que ce n'est vraiment pas son truc.